vendredi 17 avril 2015

Intuition, Cogito, Métagnomie et Métaphysique (3)

Voici la 3ème partie de ce grand chapitre, Intuition Divination et Philosophie.

L'importance de ce long chapitre vient de la nécessité de pouvoir se repérer avec le passé, communiquer avec lui, et comment ce passé continue à nous influencer pour la recherche du sens de la Vie et de l'Être, ainsi que la place de l'Intuition en philosophie. Car il est notre Héritage, il nous appartient ! 

Avec Épicure (- 342 - 270 avant JC), de l'idée à la sensation

Épicure appréhende l'intelligence de l'intuition par le corps comme une saisie immédiate de la réalité, la sensation étant comme l'origine de la Connaissance, basée sur l'empirisme.



Epicure


Par complément à l'idée, c'est le corps qui devient important. Pour Épicure, la connaissance passe par le corps, une information qui se transmet par le corps, une saisie immédiate de la réalité. La sensation est à l'origine de la connaissance. L'intuition parle par la sensation corporelle. 

En – 306, il fonde l'
Épicurisme, basé sur l'empirisme de la sensation qui est l'origine de la connaissance. Il a enseigné alors qu'il était malade, que pensait-il de cette concordance ? Que lui disait son corps ? 

La définition de 
Épicure limite l'intuition à l'empirisme alors que le joyau de l'Intuition est qu'elle n'a pas besoin de savoir pour connaître, elle est non empirique et non linéaire, voilà telle que je la vis ainsi que de nombreuses personnes - puisqu'il s'agit ici de m'entretenir avec la philosophie. J'aborderai dans un autre chapitre le lien avec la physique quantique qui amène un nouveau paradigme. Vous pouvez lire aussi le chapitre consacré à l'Intuition, le 6ème sens et la Parapsychologie  où vous découvrirez comment la science rejoint l'existence des facultés psychiques et médiumniques. 

Pour Aristote (Stagire – 383 Eubée – 322 avant JC), l'idée de l'intuition est le Noûs, en ontologie, une science de l'être, la philosophie est métaphysique.



Aristote

Avec Aristote, disciple de Platon, nous entrons dans la métaphysique, la science de l'être, la connaissance de l'âme. L'être est vue comme une substance. Aristote étudie l'être en tant qu'être, l'ontologie. Il s'appuie aussi sur la sensation. Ses travaux influenceront la philosophie occidentale et orientale. Aristote place l'étude de l'âme au premier plan de la connaissance. "Il semble bien ainsi que la connaissance de l'âme apporte une large contribution à l'étude de la vérité toute entière, et surtout à la science de la nature, car l'âme est, en somme, le principe des animaux." nous dit Aristote.(4)
Selon J Tricot, son traité de l'âme demeure le fondement de la psychologie classique. "La théorie générale de la vie, qui fait l'objet de son traité, apparaît ainsi comme le couronnement de toute la Philosophie de la nature."
"L'un des genres de l'Être est, disons-nous, la substance ; or la substance, c'est, en un premier sens, la matière, c'est-à-dire ce qui, par soi, n'est pas une chose déterminée ; en un second sens, c'est la figure et la forme suivant laquelle, dès lors, la matière est appelée un être déterminé ; et en un troisième sens, c'est le composé de la matière et de la forme. Or la matière est puissance, et la forme, entéléchie, et ce dernier terme se dit en deux sens : l'entéléchie est soit comme la science, soit comme l'exercice de la science." (5)
Aristote a écrit 400 traités sur tous les sujets. Il fut le premier penseur à se constituer une grande bibliothèque personnelle. "Aristote introduit l'observation dans la pensée, chose bien différente de la contemplation." écrit Christian Godin, philosophe et maître de conférences de philosophie à l'université de Clermont-Ferrand.(6)

Aristote distingue trois âmes : l'âme végétative ou sensitive pour les plantes, l'âme motrice pour les animaux et l'âme intellective pour les hommes.
"Il ne faut pas dire, comme on le fait souvent, que l'infini est ce en dehors de quoi il n'y a rien mais ce en dehors de quoi il y a toujours quelque chose." (5)
Il n'y a pas d'infini actuel, seul l'infini potentiel existe. L'être réel n'est pas infini. "L'infini actuel (ou infini en acte, pour reprendre l'expression des philosophes scolastiques qui ont traduit en termes latins les termes grecs d'Aristote) serait un infini entièrement déterminé et compté, un infini que l'on pourrait étreindre, embrasser sur les deux joues, un infini fini en quelque sorte, ce qui, aux yeux d'Aristote et de ceux qui, philosophes ou mathématiciens, le suivront jusqu'à Cantor (fin du 19ème) est une contradiction dans les termes."

Et selon Plotin, philosophe grec du IIe siècle: L'intuition est la connaissance absolue fondée sur l'identité de l'esprit avec l'objet qu'il connaît.


Plotin


Plotin est un philosophe de la mystique, où la conscience du moi est bousculée en présence de l'inexprimable.
Pour Plotin, 3 attitudes permettent de s'ouvrir au monde transcendant : l'inspiré des Muses, l'amant et le philosophe. 
"Le premier sent par nature la beauté qui existe dans les sonorités et les rythmes. Il faut donc lui faire découvrir que l'harmonie sensible se fonde sur une harmonie intelligible, qui correspond finalement à la beauté spirituelle. L'amant est attiré par la beauté des corps parce qu'il a un souvenir inconscient de la beauté idéale. Il faut donc lui faire prendre conscience du fait que ce qui l'attire dans l'objet aimé, c'est la Beauté transcendante dont la beauté de l'objet aimé n'est que le reflet. Quant à celui qui a un naturel philosophe, qui est philosophe-né, il est déjà par nature séparé du monde sensible et il n'a pas besoin de passer par l'intermédiaire de l'amour humain. Il faut seulement le guider dans les sciences et les vertus pour lui permettre de continuer, par la dialectique, la montée ver le bien." écrit Pierre Hadot, professeur honoraire au collège de France.

Le bien, la grâce, la beauté, l'Amour sont les qualités que prônent Plotin. "C'est la grâce qui se lit à travers la beauté et c'est la bonté qui transparaît sous la grâce." 

En fusionnant avec l'objet, la personne arrive à le connaître. De même avec l'Esprit, pour le connaître, il faut soi-même être la Vision. La perception intérieure et extérieure ne se distinguent plus. Avec Plotin, écrit Pierre Hadot "On a dépassé le niveau de la réflexion et de la perception pour atteindre celui de l'intuition et de la contemplation."
"Si on comparait l'Esprit (avec lequel s'identifie le monde des Formes) à une sphère vivant d'une vie multiple et variée, ou à une réalité qui ne serait faite que de visages et qui resplendirait de tous ces visages vivants... en se les représentant ainsi on le verrait en quelque sorte du dehors, comme un autre regarde un autre. Mais en fait, il faut, devenir soi-même l'esprit, se faire soi-même vision.


Les poètes, par leurs âmes, ont reçu leur rôle du poète de l'Univers "comme les acteurs reçoivent leur masque, leur costume : robe brillante ou haillons. "L'âme reçoit non pas par hasard et non pas par sa propre volonté, mais elle reçoit selon le plan de l'univers. En s'adaptant à son destin, elle est en harmonie. Notre véritable moi échappe à la souffrance, à la maladie, aux passions ainsi qu'aux influences astrales car, selon Plotin, c'est à l'âme au delà du corps, "qu'appartient la montée vers le haut, vers le beau, vers le divin, sur lesquels personne ne domine."

Cicéron (-106 - 43 avant JC, né en Italie) Philosophe et chef d'état, définit la divination comme « le pressentiment et la science des choses futures ».

Ciceron

« Regardez la plante : elle a deux modes de vivre ; la fleur a un moi périssable, la racine a un moi persistant. Peut-être sommes-nous ainsi, et avons-nous aussi quelque part un moi latent, source et foyer de nos existences successives, racine de nos épanouissements alternatifs, âme centrale qu’après chacune de nos morts nous retrouvons dans les profondeurs de l’infini. C’est là, s’il y a quelque fondement à cette hypothèse, c’est là que gît et que nous attend la conscience collective de toutes nos vies distinctes, et l’unité réelle de notre moi.»

Les vies antérieures et les vies futures sont perçues par Cicéron qui fut un grand orateur.

Avec Descartes (1596-1650), l'intuition devient intellectuelle, c'est la connaissance immédiate par le Cogito. 

Considéré comme le fondateur de la philosophie moderne, avec la logique cartésienne, dont la méthode, rappelons-le a été inspirée par 3 rêves que le philosophe considère comme des évènements les plus décisifs de sa vie. Le Cogito intellectuel a caché la source de sa pensée dans l'intuition par les rêves. 


René Descartes  Mathématicien et philosophe

Pour Descartes, l'animal n'avait pas de pensée et il était une simple machine, idée fausse quand on sait comment les animaux savent communiquer avec les humains ainsi que les sentiments qui les animent dont le 6ème sens, qui est de l'ordre de l'instinct et aussi du champs morphique, expliqué par Ruppert Sheldrake, biologiste et scientifique contemporain.
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Il écrivait « l'évidence et la certitude de l'intuition ne sont pas seulement requises pour les simples énonciations, mais aussi pour toute espèce de démarche discursive. » Descartes, Règles pour la direction de l'Esprit Règle III. La définition de la connaissance intuitive, selon Descartes : « La connaissance intuitive est une illumination de l'âme, où elle aperçoit dans la lumière de Dieu les choses qu'il Lui plait de nous révéler par une impression de clarté divine dans notre entendement, qui en cela n'est pas considéré comme un agent, mais seulement comme récepteur des rayons de la divinité. »2

Descartes reliait l'intuition et l'imagination qui sont source de pensées profondes. Et cela peut étonner plus d'un esprit cartésien qui n'avait retenu que le rationnel de Descartes, repoussant toutes intuitions et inspirations. « On pourrait s'étonner que les pensées profondes se trouvent dans les écrits des poètes plutôt que des philosophes. La raison en est que les poètes écrivent par les moyens de l'enthousiasme et de la force de l'imagination : il y a en nous des semences de science, comme dans le silex, que les philosophes extraient par les moyens de la raison, tandis que les poètes, par les moyens de l'imagination, les font jaillir et davantage étinceler. »


Pour résuméÉpicure appréhende l'Intuition par la sagesse du corps. Pour Aristote, L'intuition est le Noùs, la science de l'être, la philosophie devient métaphysique. Pour Plotin, L'intuition est la connaissance absolue fondée sur l'identité de l'esprit avec l'objet qu'il connaît. Ciceron entrevoit les nombreuses vies antérieures dans la conscience collective et accorde à la divination, la possibilité de lire le futur, et d'en avoir des pressentiments. Pour Descartes, l'Intuition est intellectuelle, et elle permet la connaissance immédiate par le cogito.

Cette prédominance de l'Intuition est retrouvée dans toutes pratiques spirituelles et dans le chamanisme. A la Renaissance, le siècle des Lumières, les philosophes ont rompu avec la métaphysique. La Renaissance a accueilli des peintres illustres et la philosophie côtoyait le beau. Alors que même l'homme demandait plus de rationalité et de réflexion, l'Art et les Lettres les élevaient ! Processus naturel car l'Intuition pour être intégrée demande la réflexion ainsi que pour interpréter les informations symboliques, c'est la nature pour l'homme et la femme que d'être créateurs, un va-et-vient, pensée réflexive et discursive, et pensée intuitive, les idées et les inspirations, la clairvoyance et la poésie. Science et Conscience, Spiritualité. Le problème se crée quand le mouvement s'arrête, ce qui se passe à notre époque comme le rappelle si bien Bertrand Meheust, un des rares philosophes qui osent parler de la voyance, et des facultés Psi, sous le nom plus sérieux de « métagnomie » en la tenant pour réelle et prouvée scientifiquement. 


Suite dans la quatrième partie, où vous retrouverez Spinoza et d'autres philosophes.


Références
1Dictionnaire Ferdinand Buisson, 1887
2Claude Darche, Libérez votre intuition, page 27

3Article du Dictionnaire Ferdinand Buisson, 1887
4 Aristote, De l'âme, Ed Librairie philosophique J. Vrin, 1934
5 Aristote, De l'âme, Ed Librairie philosophique J. Vrin, 1934, page 65-66 
6 Christian Godin, La Philosophie pour les nuls, 2006
7 Pierre Hadot, Plotin ou la simplicité du regard, Ed Gallimard, 1997, page 84
Gerhard Heinzmann, Qu'est-ce que l'intuition ?Département de Philosophie, LPHS—Archives H.Poincaré.




A lire aussi pour le chapitre au complet
Intuition, Divination et Philosophie (1)
Intuition, Divination et Philosophie (2)


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